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Nos lycéens à l'opéra : un moment d'exception !

Par admin jean-puy, publié le mardi 18 juin 2019 16:00 - Mis à jour le mardi 18 juin 2019 16:04
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Vendredi 14 juin, 28 élèves de l’option musique ont participé au dispositif régional « lycéen à l’opéra ». Ils ont assisté, en soirée, à la représentation de Carmen de Bizet à l’opéra-théâtre de Saint-Etienne.

Vendredi 14 juin, 28 élèves de l’option musique ont participé au dispositif régional « lycéen à l’opéra ». Ils ont assisté, en soirée, à la représentation de Carmen de Bizet à l’opéra-théâtre de Saint-Etienne. L’après-midi, ils ont pu découvrir l’envers du décor en visitant les coulisses de l’opéra…

 

 

LA VISITE

Conduite par Alicia, une guide passionnée et passionnante dont la déclamation théâtrale et l’accent italien au combien charmant nous ont immédiatement plongés dans l’univers fascinant de l’opéra.

 

La découverte des ateliers de menuiserie et de serrurerie (qui ont pour mission de créer les structures de base des décors gigantesques solides … mais légers) ont aussi été l’occasion d’évoquer le travail du scénographe (celui qui organise l’espace scénique d’un point de vue artistique, souvent à partir d’une maquette) et d’indiquer que ce dernier travaille toujours en étroite collaboration avec le metteur en scène et l’éclairagiste.

 

L’atelier de décoration qui se charge « d’habiller » les structures monumentales sorties de la menuiserie et de la serrurerie est un lieu dune créativité extraordinaire. Ici, tous les moyens sont bons pour créer l’illusion. Peinture bien sûr mais aussi détournement de matériau qui permettent à ces artisans de montrer tout leur talent artistique de création (ex : ils ont utilisé des serpillères qu’ils ont laissé tremper dans des bains pour réaliser des écorces d’arbres). Le plus bluffant peut-être est cet échantillon de mur en polystyrène (léger et facile à découper) traiter avec la fibre de verre pour le rendre résistant et non friable.

Dans la grande salle, les décor de Don Giovanni (production qui sera donnée l’an prochain) est en cours de réalisation. Chacune des pièces monumentales est numérotée. L’idée est bien sûr de penser au futur assemblage des pièces entre elles et de le rendre le plus efficace possible. Une sorte de puzzle géant….

 

L’atelier couture nous permet de comprendre les différentes étapes de réalisation des costumes (du sur-mesure pour chaque soliste : pas moins de 39 mesures sont communiquées en amont en vue de la confection du futur habit).

  • élaboration des patrons

  • montage du costume (en toile grossière) sur un mannequin pour voir comment « le vêtement tombe ». Cette phase permet de faire des réajustements.

  • réalisation du costume final avec le vrai tissu. Le vêtement du spectacle a l’aspect d’un vêtement de mode. Là encore, c’est une illusion. Les tissus sont moins précieux et le vêtement, s’il donne l’illusion d’être riche et noble, a pour caractéristique principale d’être pratique. Il ne doit surtout pas gêner les chanteurs dans leurs déplacements ou dans l’émission du son.

 

Bref coup d’oeil sur le poste du régisseur plateau. Situé sur scène à l’abri des regards, le régisseur gère tous les déplacements des artistes. Il est « le chef des coulisses ». Son rôle est aussi important que celui du chef d’orchestre. C’est quelqu’un de TRES organisé qui lit la partition pour prévenir les artistes de leur entrée future sur scène. (Chaque couloir, chaque pièce du bâtiment est dotée d’un haut-parleur qui diffuse ce que dit le régisseur plateau).

Alicia précise à nos élèves que ce métier recrute beaucoup.

 

Fin de la visite : la salle de spectacle. Ici, tout est prévu pour l’acoustique (les chanteurs ne sont pas amplifiés par des micros) :

- la forme en amphithéâtre (à l’image d’un fer à cheval) agit comme la caisse de résonance d’un instrument.

- les panneaux en bois situés sur les côtés facilitent la propagation des sons venus de la scène

- les fauteuils assourdissent les bruits venus de la salle (coût de chaque siège : 1000 euros. La salle dispose de 1200 places...)

 

Nous finissons cet après-midi par la rencontre avec Frédéric Cornille. Ce baryton interprète Morales, un brigadier qui intervient au tout début de l’opéra.

Frédéric nous parle de son parcours atypique et non linéaire (études courte, pas de réel projet professionnel ou tout simplement de projet de vie). Il nous parle de son amour pour le chant qui lui a permis de découvrir sa voie à l’âge de 24 ans. A cet âge là, il entre au conservatoire, commence ses études de musique avec pour envie de devenir chanteur professionnel. A force de travail et de persévérance, il y parvient. Il se fait petit à petit connaître dans les divers opéras nationaux et interprète notamment l’un des rôles majeurs des barytons : Don Giovanni de Mozart.

Un chanteur doit faire ses preuves auprès des grandes maisons d’opéra, par son talent bien sûr mais aussi par son sérieux et son professionnalisme. Ainsi, peu après avoir été engagé par l’opéra de St-Etienne pour le rôle somme toute modeste (mais néanmoins essentiel) du brigadier Morales, Frédéric a été contacté par la ville de Würzburg en Allemagne. La proposition de reprendre le rôle de Don Giovanni lui a été faite. Il l’a refusée pour pouvoir honorer son contrat avec l’opéra de St-Etienne.

Lorsqu’un élève pose une question sur la rémunération, Frédéric ne sait comment répondre, pas parce qu’il ne souhaite pas parler de ce sujet mais bien parce que la question des cachets est complexe et dépend d’une multitude de facteurs. D’ailleurs, les négociations financières sont gérées par son agent.

A la question de savoir ce qu’il lui plaît le plus dans son métier, Frédéric répond que lorsqu’il finit une représentation et rentre chez lui, il éprouve une satisfaction incroyable de faire un métier qui le passionne et lui permet d’interpréter des pages musicales extraordinaires. Il incite d’ailleurs tous les lycéens présents dans la salle

- à ne pas se laisser enfermer dans des cases et à vivre ses passions, quelles qu’elles soient.

- à cultiver leur amour pour le chant et à chanter régulièrement. Car cette activité fait entrer en résonance le corps et permet d’évacuer les tensions, d’exprimer sa sensibilité … bref de se sentir mieux !

 

LA REPRESENTATION

Carmen ... opéra mythique s’il en est. Sa renommée est telle que certaines pages musicales telle la Habanera ou le choeur des gamins font partie intégrantes de la culture pop tant ils ont été repris.

Pourtant, lors de sa création c’est un fiasco. Le public de l’époque -nous sommes à Paris, en 1875- ne supporte pas de voir évoluer une femme impudique, amorale, lascive, séductrice et capricieuse qui finira assassinée sur scène. Et la douce Micaëla -rôle inventé pour contrebalancer tous les aspects scandaleux du drame- n’y changera rien. L’opéra scandalise le public.

Bizet a pourtant écrit une musique admirable. Il faudra attendre quelques années – avec notamment un succès retentissant en Autriche- pour que cette œuvre soit enfin reconnu comme une pièce maîtresse du genre. Bizet ne connaîtra pas ce succès. Il meurt peu de temps après la création de Carmen à Paris. D’aucuns estiment que cette mort prématurée trouve son origine dans la violence des critiques qu’il a essuyées...

 

Pour mémoire :

Séville au sud de l’Espagne. Carmen, bohémienne infréquentable ne fait pas seulement tourner la tête des hommes : elle force le respect et l’admiration de tous. Cette femme forte, farouchement attachée à sa liberté, prend son destin en main et vit sa vie comme elle l’entend, sans souci du qu’en-dira-t-on, des convenances sociales ou même de la loi… Car si comme beaucoup de femmes, elle travaille à la manufacture de tabac, elle mène aussi une double vie en aidant régulièrement ses amis contrebandiers.

Sur la place principale tous les regards sont tournés vers elle. Tous ? Pas tout à fait car un brigadier ne la remarque même pas, absorbé qu’il est par la lecture d’une lettre. Insupportable pour Carmen … et terriblement excitant. Elle en tombe amoureuse et décide de le conquérir.

Lorsque ce brigadier est chargé de la conduire en prison, elle le séduit et le convainc de la laisser s ‘échapper.

A partir de ce moment là, son pouvoir sur lui est total. Après plusieurs péripéties, José renie son devoir de soldat. Contraint de fuir dans les montagnes il se fait contrebandier…

Mais Carmen comme toujours, finit par se lasser de cet amour. Les tensions ne font que s’accroître entre les deux amants. Lorsque Micaella, l’amie d’enfance et ancienne fiancée de José exhorte ce dernier à retourner vers sa mère mourante, José cède et s’en va mais … il promet qu’il reviendra.

 

Le temps passe. Près des arènes, la fête bat son plein. La corrida se prépare, tout n’est que liesse et joie. En apparence, Carmen rayonne : elle est amoureuse d’Escamillo, le torero. Dans les faits, elle est inquiète. Elle sait que José est revenu. Pourtant, le destin funeste qu’elle a lu dans les cartes ne l’incite pas à s’enfuir.

 

La dernière rencontre a lieu. José se consume d’amour. Carmen le méprise. Fou de rage, José sort un couteau et la poignarde. Carmen meurt. José lui, sera arrêté et exécuté. Peu importe : en tuant celle qu’il aimait, il a de toute façon perdu toute raison de vivre.

 

Nos élèves ont été particulièrement enthousiasmés par ce spectacle. En classe, ils avaient préalablement  interprété une scène de l'acte 3 qu'ils avaient hâte de découvrir.

 

Informations complémentaires :

ARTICLE DE PIERRE GERAUDIE (Source : https://www.olyrix.com/articles/production/3178/carmen-bizet-opera-saint-etienne-loire-12-juin-2019-article-critique-chronique-compte-rendu-guiraud-guingal-berloffa-ajdarpasic-unfried-enzler-negrini-druet-laconi-gombert-bouton-mossay-destrael-toussaint-larcher-blot-cornille-orchestre-symphonique-choeur )

Carmen à Saint-Étienne, l'éclatante simplici

Le 14/06/2019 - Par Pierre Géraudie

Pour le dernier rendez-vous d'opéra de sa saison, la maison lyrique stéphanoise livre une Carmen réjouissante, servie par une mise en scène simple mais efficace. Florian Laconi y est un impeccable Don José, mais la vedette du spectacle est la Carmen électrique et envoûtante d'Isabelle Druet.

Carmen par Nicola Berloffa (© Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Étienne)


 

Intense, dynamique et sans aucun temps mort, ni extravagante ni simpliste, la mise en scène de Nicola Berloffa sert l'esprit et l'ambiance dépeints par le livret de Meilhac et Halévy. Les personnages évoluent dans une scène aux contours dessinés à chacun des actes par de grandes poutres et volets en bois. Un cadre qui, s'il peut aussi faire songer à une ambiance de saloon dans le Far West américain, colle sans difficulté à l'environnement de Séville au XIXe siècle (ce qui est d'autant plus vrai au regard des magnifiques costumes de toréador et de danseuses de flamenco signés Ariane Isabell Unfried). Sur cette scène loin d'être surchargée par les éléments de décors, le jeu et les mouvements des acteurs contribuent à faire vivre une action renforcée, à l'acte IV, par la diffusion d'un film vidéo sur le mur de fond de scène. Les images y montrent, en noir et blanc, des scènes d'une foule en délire célébrant les toreadors aux portes de l'arène. Cette irruption de la technologie interroge, au premier abord. Mais l'intention se révèle fine : les artistes sur la scène et la foule apparaissant à l'écran se mêlent et plongent plus encore le spectateur dans une ambiance de grande fête populaire, avant que ne se noue le drame final annoncé par le flou progressif des images. Loin de détourner l'attention ou de brouiller les esprits, l'utilisation de cet écran, en faisant cohabiter joie populaire et imminence d'un funeste final renforce donc habilement l'intensité dramatique de l'action.

Isabelle Druet - Carmen par Nicola Berloffa (© Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Étienne)

 

Si jamais l'attention ne diminue, c'est aussi très largement grâce au plateau vocal, entièrement francophone, et porté par la Carmen d'Isabelle Druet. La mezzo-soprano française apparaît totalement convaincante et investie dans ce rôle, se livrant sans aucune économie dans un jeu de scène servi par une énergie de tous les instants. Ensorcelante et manipulatrice à souhait, incandescente dans sa gestuelle comme dans ses regards (d'abord en chignon, les cheveux sont vite relâchés) cette Carmen fait voler la vaisselle dans la taverne de Lillas Pastia, et balance des seaux d'eau à la figure des soldats pour mieux les provoquer. Vocalement, Isabelle Druet use d'un timbre plein et vigoureux, aussi subtil et charmeur dans les aigus qu'autoritaire et volcanique dans les graves. Carmen sait se faire détester autant qu'aimer, et sa complicité avec les autres personnages fonctionne à plein, que ce soit avec ses deux amants, ou encore avec ses comparses Frasquita et Mercedes. Ces deux rôles sont respectivement (et énergiquement) endossés par Julie Mossay et Anna Destraël, qui laissent entrevoir pour l'une sa voix aux agréables couleurs et pleine de fraîcheur, pour l'autre un timbre ardent.

Carmen par Nicola Berloffa (© Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Étienne)


 

Face à CarmenFlorian Laconi est un Don José non moins investi et juste. Le chanteur français offre une voix bien projetée et particulièrement puissante dans les aigus (à tel point que le corps du ténor en vient lui-même à trembler), déployée sur le fil d'une ligne de chant homogène et agréablement élastique. L'air de la fleur est interprété avec la sensibilité requise, notamment dans la balance et l'équilibre des nuances (certes, la tenue sur scène est parfois un peu trop statique, avec des bras ayant du mal à se décoller du long du corps). L'Escamillo de Jean-Kristof Bouton, qui a le port physique (séducteur) de l'emploi, est fort investi lui aussi, même si l'empreinte vocale du baryton canadien est légèrement moins pénétrante. Cela n’empêche pas l'expression d'un timbre chaleureux s'affranchissant sans grande difficulté de graves tenus et soignés.

Jean-Kristof Bouton - Carmen par Nicola Berloffa (© Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Étienne)

 

   Chœurs et musiciens au diapason

Dans un style bien à elle, jamais excessivement démonstratif sans être totalement effacé, Ludivine Gombert est une touchante Micaëla. Tout en pudeur, la soprano dévoile un timbre clair et suave sachant traduire l'affliction comme la peur, notamment dans le « Je dis que rien ne m’épouvante ». Jean-Vincent Blot (Zuniga) est une voix de basse mordante qui sait se faire entendre, dessinant une autorité imposante. Le rôle de Moralès est servi par Frédéric Cornille, légèrement plus effacé par sa projection, mais néanmoins juste et mélodieux. Marc Larcher et Yann Toussaint forment un efficace duo dans les rôles du Remendado et du Dancaïre. Le premier, en plus de manifester un souci particulier de la diction, dévoile une voix de ténor agréable et avenante, quand le second use d'un baryton déjà plein de caractère.   

 

Ludivine Gombert & Florian Laconi - Carmen par Nicola Berloffa 

(© Cyrille Cauvet - Opéra de Saint-Étienne)


 

Le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire livre une performance pleine de vie. Culottes courtes et chemises blanches bien ajustées, les enfants du Grand chœur à voix mixtes de la Maîtrise de la Loire se montrent épatants de fraîcheur et de spontanéité, mais tout aussi impeccables dans la justesse d’interprétation. Enfin, sous la baguette d’Alain Guingal, l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire fait preuve d’une grande sensibilité tant dans l’expression de la fougue et de la passion, que dans celle de la tristesse et de la rêverie (comme le démontre le prélude de l’Acte III). Le spectacle récolte des applaudissements nourris et fait se lever comme un seul homme jusqu’au public scolaire présent dans les premiers rangs de la salle.