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Printemps des poètes et Participation à un concours de nouvelles

Par admin jean-puy, publié le vendredi 9 avril 2021 11:53 - Mis à jour le vendredi 9 avril 2021 11:53
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La classe de 2nde1 a écrit des ballades et 8 élèves de 1er et Tle ont participé à "Lire à Saint Etienne : la contrainte de cette année : commencer le texte par " Sur le parking il y avait foule , je me suis demandé d'où venaient tous ces gens..."

Printemps des poètes : écrire à la manière de... François Villon classe de 2nde1

Lire à Saint Etienne : la contrainte de cette année : commencer le texte par " Sur le parking il y avait foule , je me suis demandé d'où venaient  tous ces gens..."

 

Mon cher Sieg

Sur le parking, il y avait foule, je me suis demandé d’où venaient tous ces gens… Elle aime particulièrement cette phrase qui lui rappelle des temps heureux : elle et lui serrés l’un contre l’autre et perdus dans la foule qui envahissait la ville les soirs d’été...avant...

Elle était assise comme tous les matins sur son banc habituel, qui faisait face à une rivière paisible. Elle la contemplait régulièrement pendant quelques dizaines de minutes puis commençait son activité préférée: la lecture. Toujours le même livre. L'air était froid, et le soleil allait bientôt atteindre son zénith, lorsqu'elle a finalement décidé de quitter son banc et d'aller jeter un œil à sa boîte aux lettres. Vide comme toujours. Déçue mais pas surprise, elle descendit le long du sentier et atteignit la rivière pour y plonger ses pieds, quand soudain, elle aperçut un visage familier mais en même temps méconnaissable. « Depuis combien de temps ne m'étais-je pas regardée » ? a-t-elle pensé à haute voix. "A-t-il aussi oublié la forme de mon visage?"

Saisie par une vague d'impatience, elle courut pieds nus chez elle et vérifia brièvement sa boîte aux lettres au passage. Rien. Bousculant un serviteur en chemin. Elle ne s'est pas excusée. Comme si cette scène ne s'était pas produite.

Elle a brusquement poussé la porte d'entrée et s’est précipitée dans sa chambre. Cette dernière ressemblait plus à un bureau qu'à une chambre. Mais cela ne lui avait jamais déplu. Elle y était habituée. Une chaise, un lit, un bureau et tant de livres et de peintures ici et là, éparpillés dans la pièce. Ensuite elle est restée là, debout au milieu de la pièce, légèrement égarée, la tête lourde de trop de soleil et d’eau. La fenêtre laissait entrer quelques rayons de lumière, comme d'habitude elle était fermée afin de protéger la chambre d’un air considéré de beaucoup comme trop impur. Les rayons luisaient sur le parquet bien ciré qui résonnait sous ses pas.

Elle se mit à terre et tira une planche ovale de la taille de son bras sous son lit, puis s'assit sur sa chaise de bureau et la posa devant elle. C'était un miroir. Elle resta silencieuse, perdue un instant dans ses pensées, leva les yeux, inquiète, fixa son propre reflet dans le miroir et dit à haute voix: «Depuis combien de temps ne me suis je pas regardée-je pas dans une glace ? » Soudain, rompant cette immobilité qui la tétanisait, face à son reflet elle prit une feuille de papier et une plume. Les mains tremblantes, elle mit l'extrémité de sa plume dans l'encre, et lentement elle posa sa main sur le papier et se mit à écrire.

«Mon cher Sieg,

J'espère que vous allez bien, comment se passent les événements de votre côté? Je suppose que le taux de mortalité ne cesse d'augmenter ... Je prie jour et nuit pour que vous me reveniez sain et sauf. Ici, c'est plutôt calme. Très calme. Nous ne nous croirions pas en guerre et pourtant nous le sommes.

Plus les jours passent, plus votre absence se fait sentir. Les pièces, toutes remplies de belles choses, semblent néanmoins vides, sinistres, incolores. Mon univers est limité à cette maison dont peu de pièces et de couloirs m'échappent, ils se ressemblent tous de toute façon, à quoi ça sert de les garder? Aujourd'hui j'ai croisé le visage d'une femme, celle-ci était comme moi familière mais méconnaissable.

En effet, la femme que je suis devenue est incroyablement vieille. Elle a le visage ridé, les yeux sombres, les vêtements qu’elle porte conviennent davantage à une veuve qu'à une femme mariée. Elle est en effet vêtue d’un châle noir, un chemisier marron, un chapeau noir, je voudrais te la dessiner mais je n’en ai pas le talent : imagine donc ce portrait, la vieille femme a croisé les bras sur ses genoux, elle-même est assise, profondément noyée dans une chaise, dont seuls les accoudoirs en bois lisses sont représentés.

Sa peau est de couleur similaire à l'arbre sous lequel elle lisait des livres. Les mains sont nouées. Elle regarde un peu sur le côté, parfois elle a levé les yeux pendant quelques instants pour regarder ce qui se passait autour d'elle, toujours le même regard - il n'y avait pas d'intérêt, pas de joie, seulement de la fatigue et la volonté d'aller au-delà de la mort le moment venu, ne pas avoir peur et ne pas demander de délai supplémentaire.

Les traces que la vie a laissées sur son visage parlent d'un siècle long et difficile. Elle a beaucoup souffert, beaucoup, elle a aussi été contente. Elle a traversé de nombreuses années, la guerre n'était pas un terrain de jeu, du moins pas pour elle, et tout cela se voit en elle, sur son visage, dans ses yeux.

Je n'ai pas peur de dépeindre la vieillesse telle qu'elle est. En tout temps, la jeunesse a été louée, sa beauté fière, sa force et son aspiration vers l'avant. J'ai vu le charme de la vieillesse. J'espère que cela ne vous semblera ni dégoûtant ni terrible.

Chacun de nous va à la vieillesse, chacun vient à elle tôt ou tard. Le dos se pliera, la peau sèchera, chaque année laissera des marques sur le visage. Ce n'est pas un problème. Cela arrivera à tout le monde, et même dans la vieillesse, vous pouvez maintenir une dignité calme.

J'espère que vous n'avez pas bâillé en lisant cette lettre, ce serait très offensant et vous savez à quel point je suis sensible.

Je vous attends toujours dans cette maison, notre maison, en espérant que votre retour la ramènera à la vie. Je vous transmets mon amour toujours fidèle en attendant votre réponse.

Votre pour la vie

Novembre 1917 »

Le lendemain matin, la vieille femme a été retrouvée sur sa chaise, la tête sur le bureau, au milieu des papiers épars, le bras tendu, le sang gelé. Un enterrement assez bref a eu lieu trois jours plus tard, seules cinq personnes étaient présentes, dont deux étaient des domestiques. Le reste de la maisonnée avait fui le nid longtemps auparavant, était déjà parti chercher du travail ailleurs. "Puis-je mettre ces fleurs ici, maman ?" a demandé un enfant. La mère a hoché la tête avec un haussement d'épaules, les larmes coulaient sur ses joues. L’enfant a placé un coquelicot sur la tombe du défunt et un autre sur la tombe voisine. Puis tous ont quitté les lieux. Sur le premier était marqué "Carla Schultz 1852-1929" et sur l'autre "Sieg Schultz 1866 -1918"

S.F

 

LE FIL D’ARIANE


Sur le parking il y avait foule, je me suis demandé d'où venaient tous ces gens.
Ils étaient devant un supermarché, regroupés, pressés comme des hyènes autour d’une charogne. Ils parlaient, je le voyais sur leur visage, mais je n’arrivais pas à discerner leurs paroles. J’étais proche mais éloignée en même temps. J’essayai de les rejoindre, pour voir, découvrir la raison de cet amas qui m’attirait et me repoussait pour une raison que je ne pourrais expliquer. Je marchais vers eux. Longtemps. Mais à mesure que je m’approchais ils reculaient. Ou étais-ce moi qui ne bougeais pas ? Je ne pourrais le dire. En réalité, je ne pouvais répondre à aucune des questions que je me posais. Ou étais-je ? Quand étions-nous ? Pourquoi étais-je empli d’une sensation étrange qui me brûlait la poitrine ? Mon esprit surchauffait. Il essayait de comprendre, mais c’était comme s’il était rouillé, piégé par des lianes millénaires impossibles à trancher.
Je ne pouvais pas bouger. J’essayais de secouer, juste un peu, chaque partie de mon corps. Mes yeux, mes narines, mes bras, mes doigts, mes jambes. Rien ne bougeait, même pas mes doigts de pied. La panique ne me gagna pas pour autant. C’était comme si j’étais en plein rêve et que je savais inconsciemment que je ne craignais rien, qu’une fois éveillée, enroulée dans ma couette, je serai en sécurité. Comme lorsqu’on est enfant et que, quand les esprits au coin des murs nous regardent, l’on se cache sous notre couverture pour nous mettre à l’abri. C’était les croyances de l’enfance, celles qui nous rappelaient notre innocence d’antan quand nous regardions les albums photos, miroir de notre passé. Peut être étais-je simplement dans un de ces rêves et que dans quelques instants je me réveillerais dans ma chambre, au côté de ma mère qui aurait accouru en entendant mes cris perçant le silence nocturne. Non. Je n’étais point dans un rêve, mais plutôt dans une sorte d’hallucination sordide, créée par mon esprit tourmenté qui, semblable à un messager, voudrait m’avertir. Mais de quoi …
J’étais seule. Seule au beau milieu d’un vaste parking de supermarché avec pour seule distraction, une foule me fixant. Pourquoi me regardaient-ils ? Pourquoi me scrutaient-ils comme si je n’étais qu’un vulgaire morceau de viande ? Tout était flou dans ma tête. Le supermarché était flou. La foule était floue. L’horizon était flou. Tout était flou. Noir. Le noir total et infini dans lequel la moindre pensée pessimiste peut nous mener à notre perte. Je n’avais aucune notion du temps. S’était-il passé une heure ? Deux heures ? Un an ? Le Temps ne s’écoulait peut-être même pas. Après tout il fait comme bon lui semble, seul lui n’est pas affecté par les dégâts et les regrets qu’il engendre, en passant près de nous sans nous accorder une seconde de repos. Il avance et continue vers je ne sais où.

Au bout d’un certain laps de temps je retrouvais mes esprits. Je me levais avec précipitation, comme pour m’assurer que je n’étais plus dans cette création imaginaire. Je scrutais tout ce qui m’entourait sans trop comprendre où j’étais une fois de plus. Cela me semblait familier mais mon esprit refusait catégoriquement d’analyser ce que je voyais. Ma vision se jouait de moi, quand je regardais un objet je n’arrivais pas savoir à quoi il ressemblait. Comme si les objets n’avaient ni formes, ni couleurs. A croire que mon cerveau et ma conscience étaient séparés, éloignés par une quelconque force surnaturelle. J’avais la forte impression que ma conscience était comme devant un écran de cinéma. Elle regardait le film pendant que mon cerveau faisait tourner celui-ci, mais dans une langue étrangère, avec des objets étrangers. Me sortant de mes réflexions, un homme vint me chercher. Je le suivais, pour ne pas le perdre. Je passai dans de multiples lieux qu’aucune logique ne reliait. Je passais d’un escalier à une porte, d’une voiture à une pièce avec des bureaux… Ou alors était-ce mon esprit qui volontairement déplaçait les images pour les placer l’une à côté de l’autre, au hasard ? Rien n’avait de sens.
Depuis le début l’illogisme était le maître du jeu et moi seulement un pion. J’étais coincé dans un labyrinthe où les murs se déplaçaient à leur guise, toutes les secondes, rendant inexistante la sortie de cet enfer de briques. Le fils d’Ariane avait beau être entre mes mains, il était impensable de le suivre. Il était aussi confus que mon esprit, traversant les murs et le sol, s’enroulant autour de lui même en créant des nœuds impossible à défaire. Même le créateur de ce lieu de torture tomberait dans les bras de la folie. Etais-je tombée dans ses bras ? Ce ne serait pas étonnant, car soudain s’ajoutant aux images tourbillonnantes, le discours de centaine de personnes me frappa sans que je n’arrive à discerner le sens de leurs paroles. Elles me tournaient autour tels des vautours au dessus d’une charogne… Comme les hyènes autour de la charogne. Stop. Je n’en pouvais plus d’être dans ce brouillard éternel m’empêchant d’atteindre la seule et unique Vérité, m’empêchant d’atteindre la sortie de ce labyrinthe tortueux. Mais que pouvais-je faire à part me lamenter sur mon sort ? Rien. Juste accepter la fatalité de mon destin, accepter d’être désormais la seule habitante d’une prison créée par ma pensée, juste accepter que le désespoir avait pris le dessus et qu’il me piégerait à jamais dans les recoins les plus sombres de mon esprit.
Un bruit sourd me parvint. Quelque part un marteau résonnait dans une salle d’audience.

Sur le parking il y avait foule, je ne me demandais pas d’où venaient tous ces gens. Je le savais déjà. J’étais de retour au début de l’histoire, au début de ce voyage au cœur de la folie. Tout était identique à la première fois, il n’y avait qu’une seule et unique différence. Je n’étais plus guidée par la peur, ni par l’incompréhension, mais par la détermination. La détermination d’enfin découvrir le fin mot de cette sordide histoire. Le labyrinthe, dont les murs de briques se déplaçaient sans cesse, se modifia une dernière et unique fois laissant place à un long couloir donnant à la tant attendue sortie. Dans mes mains je tenais, écarlate et tendu, le fil d’Ariane. Il m’appelait à le suivre, tout comme Thésée l’avait fait. Je courus pour atteindre la liberté et enfin mettre un terme à toute cette histoire. Quand je sortis, j’étais devant l’amas de personne. J’avançais, traversais la foule comme une reine. Dès qu’ils étaient à l’abri de mon regard, ils devenaient poussière. Aucun retour en arrière n’était possible. J’arrivais enfin au niveau de l’élément le plus mystérieux de ce lieu, celui, qui depuis le début, était resté dissimulé. C’était une magnifique jeune femme, au corps meurtri, allongée délicatement sur un lit aux draps pourpre. Plus je la regardais, plus j’avais envie de m’approcher d’elle, de la toucher, de découvrir son identité. Ma main, autonome, commença sa descente vers le corps. Le temps semblait ralenti, et au moment où je le touchais, comme une explosion, la Vérité jaillit de ses entrailles. Celle que je convoitais tant. Et ainsi je compris.
Je compris la cause de mes tourments.
La cause de ce sang sur mes mains.
La cause de ma perte.
La cause de ma folie.
La Jalousie.

I.C

Dernier acte

Sur le parking, il y avait foule, je me suis demandé d’où venaient tous ces gens. Tous se dirigeaient vers la salle depuis laquelle j’observais leur arrivé qui s’effectuait dans une joyeuse cacophonie qui emplissait joliment mon ouïe, me faisant légèrement sourire. Le jeune homme en charge du maquillage claironna mon prénom, impatient de faire de ma personne, de mon visage, son œuvre d’art. Je lui ai indiqué d’une voix claire que je lui laissais carte blanche, qu’il pouvait peindre ma peau à sa guise, comme un peintre pouvait peindre une toile vierge. J’étais sa toile vierge. Je souhaitais qu’il pose sur mon épiderme ses émotions. Je savais qu’il ne me décevrait pas.

J’avais raison. La tristesse de l’artiste était décrite sur mon visage grâce aux fluettes lignes de bleu tracées sur la pâleur des courbes de mon visage, comme si l’eau coulait sur celles-ci. Mes lèvres étaient recouvertes d’une couleur violacée. Pâle et froide. Savait-il quelle œuvre j’allais jouer ce soir ? Je ne le saurais probablement jamais. Je n’allais pas tenter de lui demander car si des larmes coulaient le long de ses joues potelées, l’eau salée allait sortir de mes yeux en amande et laisser des traces rouges sous mes paupières.

Ainsi maquillée, je m’étais rendue un peu plus loin, à l’endroit où m’attendait une fille aux cheveux naturellement flamboyants. Elle avait regardé mon fardage et laissé échapper un soupir désapprobateur. Sa sculpture n’était pas harmonique, ni au niveau des couleurs, ni à celui des formes. Les lignes bleutées contrastaient avec la veste rougeoyante qui recouvrait une robe, elle aussi resserrée à ma taille. Alors, je lui avais demandé d’exprimer ses sentiments à travers moi. De faire de sa sculpture une œuvre représentative de son état psychique. Elle avait, tout en laissant ses mains s’attarder sur les courbes de mon corps, ajouté au bas de ma robe un voile pourpre qui, à la lumière des ampoules, semblait orangé. Avait-elle voulu représenter sa colère suite à la décision de son collègue ou bien cet amour qui la consumait et la dévorait de l’intérieur ? C’était encore une question qui demeurerait sans réponse car l’une des deux solutions m’empêcherait tout simplement de monter sur scène.

Donc j’étais ensuite allée, sans poser de questions m’asseoir devant la personne qui devait s’occuper de ma coiffure. Cette personne, je ne saurais dire si c’était un homme ou une femme. Elle jugeait mes cheveux de son regard pointilleux. Ceux-ci ondulaient jusqu’au bas de mon dos. J’avais donné à cette personne la même instruction qu’aux deux artistes l’ayant précédée. Cependant, il ou elle m’a déçue, à cause de son manquement à ma demande.

Il avait voulu harmoniser mon apparence, ses mains exécutaient une précise chorégraphie dans le but de réorganiser ma chevelure. Ensuite, il avait voulu fixer son travail avec une laque dans laquelle se trouvaient des paillettes azures, censées s’accorder aux couleurs qui décoraient mon fin visage. Malheureusement, la teinte naturelle de mes cheveux donnait, avec ces brillants, un rendu verdâtre. Je n’avais fait aucune remarque et saisi mon microphone afin de monter sur scène.

J’étais sur le point de réaliser mon rêve.

J’étais sur le point de devenir l’héroïne de ma vie.

J’étais sur le point, pour la première fois, décider de mon avenir sans être effrayée par les conséquences

Pour réaliser ce rêve, j’étais entrée sur scène, majestueuse, colorée, mémorable. De ma voix, grave et claire, je chantais. Interprétant à la perfection des chansons que je n’avais pas écrites, qui n’étaient pas miennes et qui ne me plaisaient pas. Or, j’étais heureuse, je souriais, je rayonnais à la fin de cette ultime représentation. Puis j’étais montée sur le toit de la grande salle et dans un dernier mouvement, j’avais avancé.

Sans un cri. Dans le silence. Le vide m’avait accueillie.

S.J

Trois années

 

Sur le parking, il y avait foule, je me suis demandé d’où venait tous ces gens. Tout le monde s’agitait, les lumières et les sirènes des ambulances et des voitures de police m’aveuglaient et me hurlaient aux oreilles. Je cherchais avec angoisse Liv, Ethan et ma mère. Je les appelais, mais tout le monde autour de moi semblait vouloir retrouver quelqu’un. Je me suis arrêté de courir et me suis mis à tousser, de plus en plus fort, jusqu’à sentir mon corps vibrer. Mes jambes ne me portaient plus. J’ai dû entendre la voix de Liv m’appeler, mais je n’ai pas réussi à me retourner, je n’en avais plus la force et ces vibrations dans mon corps et les lumières bleues et rouges devenaient de plus en plus éblouissantes, elles devenaient blanches, aveuglantes, les sirènes hurlaient à la mort. À cause des bourrasques de vent, il faisait froid, un froid qui glaçait les os. Les mains sur les oreilles, les yeux clos, j’étais recroquevillé sur moi-même en attendant que cela passe. C’était la première fois que j’avais vraiment peur.

J’ai brusquement ouvert les yeux et les ai refermés immédiatement. Une grosse lumière, celle d’un plafonnier, un gros néon blanc, qui faisait un petit bruit constant m’éblouissait. Lorsque je tentais d’ouvrir les yeux, j’entendis de l’eau couler d’un robinet tout près de moi. En réunissant mes forces, je réussis à chuchoter quelques mots.

“ Liv ? Liv ?”

Je sentais la présence de quelqu’un près de moi, mais lorsque je tournai la tête vers celle que je pensais être ma femme, je découvris de petits yeux effrayés et fixés sur moi. Puis ce fut long. J’ai passé un long moment à me demander ce que je faisais allongé là. Je me souviens des autres paires d’yeux qui me regardaient par-dessus comme une étrange petite bête. On a essayé de me parler, mais je n’avais qu’un mot à la bouche, “Liv”. Plus tard, je vis ma mère. Je reconnaissais enfin un visage. Je lui ai tout raconté, les terribles sensations que j’avais eu avant de me retrouver ici, que je ne savais absolument pas où étaient ma femme et mon fils, même si je les avais cherchés sur ce parking, là où les gens s’agitaient, comme s’ils avaient peur, ils étaient tous terrifiés, et moi aussi.

Avant tout ça, quelques années auparavant, je m’étais déjà retrouvé sur ce parking, mais c’était uniquement pour aller faire quelques courses pour ma mère alors qu’on revenait de vacances et il était presque désert. Le magasin se trouvait dans une autre ville, où je ne passais jamais habituellement. C’était quelques jours avant d’avoir rencontré Liv. Liv… j’en suis immédiatement devenu accro. J’aime sa chaleur, ses peurs et son courage, je suis tombé amoureux de son sourire et je ne pensais pas que l’on puisse être aussi dépendant d’une présence, d’un corps, d’une autre âme. Elle a des cheveux comme le cuivre et des yeux clairs, si clairs, qu’on pourrait parfois les croire usés ou morts. Elle n’a plus vraiment de regard, quelquefois. Ses yeux se baladent et semblent se poser sur tout ce qu’elle voit, mais en même temps, ils n’ont l’air de ne rien regarder, comme si l’obscurité avait gagné son âme et les vitres de son esprit. Depuis quelques mois, il lui arrive aussi de se taire, parfois, je ne sens plus sa présence. Liv aime la photographie et écouter de la musique, la country, je trouve ça amusant, ça lui va bien. Elle était si incroyable qu’elle est devenue ma femme. Je n’ai jamais vraiment eu beaucoup d’ambitions, j’ai toujours rêvé d’avoir une vie calme, sans trop d'excès, rythmée par la routine et elle veut voir le plus de choses possible, mais son enthousiasme et sa passion continuelle me font du bien. Liv a ce don exceptionnel de me faire oublier mes problèmes et de toujours relativiser. C’est un peu l’ombre sous laquelle je me cache lorsque le soleil brûle. Ma mère l’aime beaucoup aussi, c’est dommage que mon père n'ait jamais eu l’occasion de la rencontrer, il était un peu comme moi, peut-être un peu morose aussi, elle lui aurait apporté un peu de joie.

La première fois que j’ai pris Ethan dans mes bras, j’avais peur de lui faire mal en ne sachant pas le tenir. Il était si petit, tellement fragile, je ressentais un besoin obsessionnel de le protéger, pourtant il représentait ma force. Maintenant c’est un grand, il déambule dans toute la maison en prononçant des morceaux de phrases qu’il a entendus. Même s’il semble avoir hérité de mon courage, c’est un courage timide et sauvage, un courage craintif et sensible.

Je passe mes plus belles années avec ma merveilleuse famille. Toutes les fois où je les ai fait rire et sourire, je ne les échangerai pour rien au monde. Mais alors que j’avais trouvé des personnes à qui m’attacher, je les ai bêtement perdues sur ce parking…

 

Tu te souviens où étaient Liv et Ethan, avant que je n’arrive ici ? Tu sais s’ils vont

bien ? On m’a dit qu’il n’y avait pas de femme à ce nom dans l’hôpital, alors elle ne devait pas être avec moi à ce moment là.

Le visage de ma mère fut rempli de confusion. Elle me prit la main et sourit maladroitement en secouant la tête. Elle est restée là, à m’écouter encore, je lui parlais de ma merveilleuse Liv et de mon adorable fils, je lui disais qu’ils allaient sûrement arriver et qu’elle devrait peut-être aller les appeler et demander à Liv si elle était déjà en chemin. Puis, ma mère acquiesça et sortit de la pièce. C’était étrange qu’elle ne soit pas encore là. Quand je me suis réveillé, on m’a dit que j’avais dormi longtemps, mais je n’ai pas tout compris. Lorsque ma mère est revenue, une femme l’accompagnait.

On a cherche qui pourrait être cette Liv que tu dis être ta femme, chéri. Moi je n’ai rien trouvé de mon côté, mais cette infirmière affirme qu’une des internes qui s’occupait de toi durant les trois années où tu étais dans le coma s’appelait comme ça et elle te parlait souvent, mais elle est partie depuis plusieurs mois déjà, peut-être que tu l’as entendue…

C.C