Actualités pédagogiques et culturelles
Rencontre des secondes deux avec Tiphaine Rivière (Prix Littéraire des lycéens et apprentis ARA)
Par CECILE PEYRE, publié le mardi 21 janvier 2025 11:15 - Mis à jour le jeudi 23 janvier 2025 21:18
Merci à la région pour ce Prix : Les élèves ont joué quelques planches de la BD et l'autrice nous a parlé de son parcours et de la genèse de sa BD : "La distinction ; librement inspiré du livre de Pierre Bourdieu"
Rencontre financée par la région ARA.
Quelques notes prises lors de la rencontre
A sa question : De quoi voulez vous que nous parlions ? Plutôt du métier de dessinateur ou plutôt des classes sociales ?
Les élèves ont répondu ;
Classes sociales.
L'autrice les questionne sur le contenu de la BD : N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, certains m'ont dit par exemple que les jeunes ne parlaient plus trop comme ça. Une élève rétorque Oui c'est vrai qu'on ne dit plus trop " iech" mais plutôt "genre"
Un autre retour sur sa BD qu'elle nous confie :
Elle connaissait bien les classes supérieures mais moins bien les parents des classes dominées. (Elle a elle même réalisé des interviews). On lui a fait le reproche que les parents des classes dominées étaient moins vivants que ceux des classes aisées dans sa bd.
Elle a pourtant donné un autre visage aux classes moyennes dont elle a bien cerné les évolutions depuis Bourdieu comme le pointe Madame Astaix venue assister à la fin de la conférence.
En vrac au fil de l'heure...
-Elle a fait une thèse de lettres mais ne savait pas trop quoi en faire et se sentait déprimée jusqu'à ce qu'elle soit amenée à réaliser une mini BD pour commémorer un évènement amical et ça a été une révélation.
- Elle a appris à dessiner dans un café avec un ami et fait une première BD : Carnet de thèse qui a cartonné. Au début elle était prompteuse chez Canal Plus de 5h à 11h. Elle évoque un métier où on est considéré comme une machine et elle nous fait la remarque que le monde professionnel l'a vraiment marquée comme étant parfois "tout un monde de bullshit job et jobs très utiles mais très déconsidérés." Tiphaine a fait ensuite deux bandes dessinées (l'invasion des imbéciles, le coeur qui bat) qui n'ont pas marché et traversé quatre ans de vaches maigres.
-A l'issue de cette période difficile elle s'est fixé un challenge : Sa quatrième bande dessinée devait réussir sinon aucun éditeur ne miserait plus jamais sur elle, c'est alors qu'un proche lui a suggéré d'adapter Bourdieu.
-Elle vient d'une classe très privilégiée, ce qui lui a donné beaucoup de liberté et c'était du coup facile de
trouver sa voie, sans trop en avoir conscience à l'époque, elle savait qu'elle pouvait compter sur l'aide de ses proches. Elle a constaté que la majorité des gens qui y arrivent (voire qui se vantent de s'être sic "faits tous seuls" viennent de milieux aisés. Elle a par exemple compris avec la lecture de " La distinction" que loin d'être originale dans son parcours elle était une sous catégorie de la catégorisation faite par Bourdieu. Ceux qui peuvent se permettre d'envisager une carrière artistique parce qu'ils n'ont pas peur de manquer d'argent.
- Elle a appris à dessiner dans un café avec un ami et fait une première BD : Carnet de thèse qui a cartonné. Au début elle était prompteuse chez Canal Plus de 5h à 11h. Elle évoque un métier où on est considéré comme une machine et elle nous fait la remarque que le monde professionnel l'a vraiment marquée comme étant parfois "tout un monde de bullshit job et jobs très utiles mais très déconsidérés." Tiphaine a fait ensuite deux bandes dessinées (l'invasion des imbéciles, le coeur qui bat) qui n'ont pas marché et traversé quatre ans de vaches maigres.
-A l'issue de cette période difficile elle s'est fixé un challenge : Sa quatrième bande dessinée devait réussir sinon aucun éditeur ne miserait plus jamais sur elle, c'est alors qu'un proche lui a suggéré d'adapter Bourdieu.
-Elle vient d'une classe très privilégiée, ce qui lui a donné beaucoup de liberté et c'était du coup facile de
trouver sa voie, sans trop en avoir conscience à l'époque, elle savait qu'elle pouvait compter sur l'aide de ses proches. Elle a constaté que la majorité des gens qui y arrivent (voire qui se vantent de s'être sic "faits tous seuls" viennent de milieux aisés. Elle a par exemple compris avec la lecture de " La distinction" que loin d'être originale dans son parcours elle était une sous catégorie de la catégorisation faite par Bourdieu. Ceux qui peuvent se permettre d'envisager une carrière artistique parce qu'ils n'ont pas peur de manquer d'argent.
Elle a pris conscience de cette réalité : Le parcours de la création est plus difficile pour les gens des classes populaires où s'épanouir individuellement est vécu comme de l'égoïsme alors que c'est considéré avec plus d'indulgence dans les classes aisées.
Elle nous raconte avec humour qu'issue dans les derniers d'une famille de 6 enfants (donc en quelque sorte dominée parmi les dominants) elle a fait le choix de tourner le dos à la Banque et la finance (ou sont les plus grands) pour faire de la BD, et de même son frère pour être metteur en scène.
On vit tous les uns à côté des autres mais pas dans le même monde !
C'est ce que la lecture de La distinction de Bourdieu lui a appris.
Ce qui la passionne dans l'analyse de Bourdieu :
- La manière dont celui-ci explique comment on incorpore des habitudes et conditionnements et fait la distinction entre capital économique et capital culturel.
Habitus ? Capitaux ? On peut devenir riche sans intégrer les classes aisées. La grande leçon que l'autrice tire de Bourdieu c'est que si on connait les règles du jeu : au lieu de les subir, on peut avoir des stratégies qui permettent de bouger d une classe à l'autre.
L'objectif de la distinction est donc de décrire tous les groupes sociaux pour permettre à chacun de se positionner.
-Autre distinction faite par Bourdieu, codes versus goûts : selon lui la meilleure adaptation consiste à prendre conscience des codes qui sous tendent ce que nous prenons pour nos goûts propres. De même si l'on a conscience de çà, on est moins enclin à juger les gens sur des comportements en fonction de nos préjugés de classe.
-Un élève lui pose une question sur l'orientation politique de Bourdieu à gauche et en quoi cette donnée a influencé sa relecture. Tiphaine nous confie alors qu'elle aurait voulu que certains de ses personnages en lien avec leur prise de conscience (Pierre) se radicalisent davantage politiquement mais que son éditeur n'avait pas voulu : il fallait rester consensuel pour ne pas heurter.
Question : est ce que vous avez des parents qui viennent de milieux différents
- Plusieurs élèves témoignent d'une diversité sociale et géographique chez leurs parents ou grands parents. Les gens issus de milieux défavorisées et/ou de l'immigration vivent davantage au présent puisque l'avenir reste incertain et cela impacte nos façons de vivre, de faire la fête...
Habitus ? Capitaux ? On peut devenir riche sans intégrer les classes aisées. La grande leçon que l'autrice tire de Bourdieu c'est que si on connait les règles du jeu : au lieu de les subir, on peut avoir des stratégies qui permettent de bouger d une classe à l'autre.
L'objectif de la distinction est donc de décrire tous les groupes sociaux pour permettre à chacun de se positionner.
-Autre distinction faite par Bourdieu, codes versus goûts : selon lui la meilleure adaptation consiste à prendre conscience des codes qui sous tendent ce que nous prenons pour nos goûts propres. De même si l'on a conscience de çà, on est moins enclin à juger les gens sur des comportements en fonction de nos préjugés de classe.
-Un élève lui pose une question sur l'orientation politique de Bourdieu à gauche et en quoi cette donnée a influencé sa relecture. Tiphaine nous confie alors qu'elle aurait voulu que certains de ses personnages en lien avec leur prise de conscience (Pierre) se radicalisent davantage politiquement mais que son éditeur n'avait pas voulu : il fallait rester consensuel pour ne pas heurter.
Question : est ce que vous avez des parents qui viennent de milieux différents
- Plusieurs élèves témoignent d'une diversité sociale et géographique chez leurs parents ou grands parents. Les gens issus de milieux défavorisées et/ou de l'immigration vivent davantage au présent puisque l'avenir reste incertain et cela impacte nos façons de vivre, de faire la fête...
-D'autres témoignent d'une paupérisation suite à l'immigration d'un parent, la non reconnaissance de ses diplômes sur le sol français et donc d'une chute du capital économique avec un capital culturel élevé.
Nous abordons la question de l'orientation et plusieurs disent vouloir faire du "cash"
-Tiphaine nous parle de ce qu'elle appelle les emplois "bullshit" ou bullshit jobs... Ces gens qui a quarante ans ont monté dans la hiérarchie de leur entreprise et se retrouvent sur des postes à haute rémunération mais sur des emplois qui ne font pas sens et comme c'est très difficile de se reconvertir et renoncer à l'aisance que procure l'argent ces gens là sont bien souvent condamnés à rester vingt ans de plus dans un boulot qui ne ne leur convient plus ou pire, qui est contraire à leurs valeurs....
-A l'inverse 37% des auteurs de BD vivent sous le seuil de pauvreté et il sont encore plus de la moitié à avoir du mal à se dégager tout juste un smic ( A titre d'exemple Tiphaine touche 8% du prix d'un livre soit pour la distinction qui coûte en librairie 25€, 1,70€ lui reviennent...) mais lorsqu'on a gouté à la liberté qu'offre la création, d'être son propre maitre et ne pas subir la vie chronométrée des salariés, il est difficile de devoir se résoudre à prendre un emploi mieux rémunéré.
Elle conclut : L'argent c'est pas si clair que ce soit un but si enviable.
Elle conclut : L'argent c'est pas si clair que ce soit un but si enviable.
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