Philosophie

Jeudi 3 mai, visite du site mémorial du Camp des Milles, ancien camp d'internement et de déportation de la Seconde Guerre mondiale, situé à Aix en Provence

Par admin jean-puy, publié le vendredi 3 mai 2024 10:52 - Mis à jour le jeudi 4 juillet 2024 09:22
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71 élèves de Terminales ont effectué une visite guidée de ce lieu chargé d'histoire et d'émotion qui avait pour but de les faire réfléchir aux enjeux de la mémoire, de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et à la notion de résistance.
Organisée par Mme Pérard (professeure de philosophie) et Mme Russias (professeure d'histoire), cette sortie scolaire dans le plus grand camp d’internement du sud-est de la France a permis de rendre concrètes des notions abordées dans les cours.
 
En plus de la visite guidée, les élèves ont suivi trois ateliers :  sur l'analyse des mécanismes pouvant conduire à la passivité ou à la soumission à l'autorité, sur la notion de création et résistance et sur les Justes parmi les Nations qui ont fait preuve d'un courage extraordinaire.
Une journée intense mais riche qui a confronté nos élèves à la réalité de l’internement et aux notions de résistance afin que le pire ne se reproduise pas.

Ci-dessous le compte rendu de la sortie scolaire du 2 mai 2024

Le camp des Milles
Jeudi dernier, nous nous sommes levés tôt pour nous rendre au Camp des Milles accompagnés par nos professeurs de philosophie et d’histoire-géographie, notre documentaliste. Nous sommes arrivés dans une briqueterie désaffectée qui ne fonctionnait déjà plus au moment où le site a été utilisé comme un camp d’internement. En effet, ce furent d’abord les juifs allemands réfugiés en France qui furent internés à partir de la déclaration de guerre de septembre 1939. Ceux qui avaient trouvé un refuge chez nous furent privés de leurs droits en tant qu’ennemis de la France. Progressivement, après la défaite, le gouvernement de Vichy sous la direction du maréchal Pétain, l’a utilisé comme un camp d’internement précédant la déportation vers les camps de la mort.
Nous avons visité ces lieux où des femmes et des enfants séjournaient : l’immense hangar glacial en hiver, étouffant en été, où tous étaient enfermés. Par une fenêtre, les femmes tentaient de se suicider au moment où des convois devaient partir et qu’elles avaient été sélectionnées. Nous avons été très émus de savoir que certaines d’entre elles ont été déportées blessées et que les blessures qu’elles avaient n’entraînaient aucun soin. Ailleurs, c’est la privation de lumière qui est choquante dans un des bâtiments au rez -de chaussée, toutes les fenêtres sont occultées. Cette vie sans soleil, sans lumière est comme une torture supplémentaire infligée aux innocents détenus. Les courants d’air, la faim, le froid ou l’extrême chaleur, ajoutés à la privation d’accès à l’eau, à des latrines convenables, l’impossibilité d’une hygiène élémentaire, la promiscuité : tout était fait pour humilier, briser et déshumaniser.
Mais parmi ces détenus, certains étaient des artistes, musiciens, peintres, poètes. Ils laissèrent de nombreuses traces de leur passage qu’il est poignant de pouvoir découvrir dans le musée. Contre la volonté d’anéantir l’humanité des personnes, la poésie, la musique, le chant (il y avait un orchestre), les graffitis plein d’humour témoignent de la résistance humaine. Il faut rire, chanter, danser pour affirmer la valeur de la vie par-dessus tout.
Nos guides ont bien expliqué qu’un réseau de résistants avait été très actif et avait permis de sauver plus d’une cinquantaine d’enfants. Le monte-charge servait à évacuer les petits du dernier étage du hangar aux femmes. Le camp n’était pas assez étanche pour les autorités allemandes qui préfèreront fermer le camp après la suppression de la ligne de démarcation.
Enfin, la dernière partie de la journée a consisté à réfléchir avec nos guides au processus qui conduit un régime républicain de liberté vers un Etat autoritaire, fasciste et raciste, ce que fut Vichy. Il est important de savoir qu’une politique de violences racistes n’arrive pas tout d’un coup mais qu’il y a une préparation des esprits, des paroles racistes dans l’espace public, la banalisation du mépris pour des groupes exclus ou racisés. Le racisme verbal prépare les esprits au passage à l’acte physique et aux crime racistes.
De même, l’atmosphère politique est devenue de plus en plus violente, intolérante avec l’opposition, criminalisant les divergences politiques pourtant habituelles à toutes les sociétés. Avant de devenir complices du génocide, les autorités françaises ont laissé une atmosphère fascisante se développer.
Ce lieu interroge chacun de nous sur ce que l’on peut faire dans des moments pareils. Que peuvent les citoyens lorsque les lois, les pouvoirs deviennent anti-démocratiques?
Nous avons vu qu’il fallait tout d’abord rester solidaires des personnes persécutées. Il n’y a eu en France que 80 000 personnes déportées, ce qui est beaucoup, mais les choses auraient pu être pires car heureusement, beaucoup de citoyens ont été solidaires, se sont tus, ont caché des personnes traquées, ont ravitaillé, etc…Enfin, cette visite permet de comprendre pourquoi la politique, la vie civique devrait intéresser tout le monde puisqu’il arrive des catastrophes que seule la résistance citoyenne peut empêcher.